A l’assaut des Gambier!

Après avoir déposé Emmanuelle à l’aéroport, nous avons enchaîné sur la préparation de notre prochaine grosse étape, la traversée vers les Gambier. Les Gambier sont l’un des 5 archipels de Polynésie et tous les marins qui en reviennent ont des étoiles dans les yeux. En gros, un mix entre les lagons des Tuamotu et les paysages verdoyants des îles de la Société. Si vous ajoutez que les perles des Gambier sont les plus réputées de Polynésie et que les Gambier sont à l’écart en période cyclonique, la motivation de l’équipage était à son comble.

Seul bémol, la distance! Les Gambier sont à 730 miles nautiques de Fakarava, en gros 1400 km! Mieux vaut donc choisir sa fenêtre météo et avoir cales et réservoirs pleins. Ce qui en temps normal est relativement simple se transforme en véritable casse-tête après les fêtes de fin d’année. En effet, les goélettes (joli nom pour les gros cargos un peu rouillés) qui approvisionnent les îles arrêtent leur service mi décembre pour ne le reprendre que fin janvier ! Les étals sont donc vides dès début janvier. Particulièrement pour les fruits et légumes. Le sol corallien et l’air très salé des Tuamotu se prête peu à la culture maraîchère. L’essentiel vient donc de Papeete mais sans bateau, pas d’appro! Reste alors à « faire avec » et être ouvert à de nouvelles expériences culinaires! Fakarêver est ainsi parti avec 5kg de Potimaron à bord… car même les pommes de terre étaient introuvables à Faka! Les tomates pelées en conserve trouveront aussi une nouvelle vie (faute de tomates fraîches) dans le taboulé ou les tartes salées. Faute de grives…

 

 

 

« Fruit du dragon » récemment réimplanté à Faka…un régal !

Passe encore le manque de produits frais, le plus gênant est l’absence de réapprovisionnement en carburant. Diesel et essence sont aussi acheminés par bateau… Un voilier avance essentiellement grâce au vent mais, avant toute grosse traversée, il est important d’avoir le plein. Au cas où le vent ferait défaut ou en cas de problème de gréement. Heureusement la chance était avec nous! Deux jours avant de fermer pour les fêtes, Fakarava Yacht Services s’est retrouvé avec un baril de 200L de diesel qu’un voilier américain a « oublié » de venir chercher… la moitié de ce précieux liquide ira donc dans les réservoirs de Fakarêver. Une bonne chose de faite. Direction ensuite Pakokota Yacht Services pour leur accès wifi. Diverses tâches administratives nous attendent. Dont vous l’aurez compris maintenant, la mise en vente du bateau!! Petit rappel au passage, si vous connaissez des gens tentés par l’aventure… MERCI d’avance !

Une fois libérés de l’administratif cap est mis sur Tahanea, petit atoll au sud de Fakarava et mouillage mythique de Lotus. Nous y retrouverons d’ailleurs non seulement Lotus mais aussi 6Gone. Nos trois bateaux se sont laissés convaincre par l’attrait des Gambier. Nous partirons donc tous de Tahanea. Le programme habituel de découverte d’un atoll se met donc en place: snorkeling dérivant dans la passe et BBQ sur la plage.

Un bon BBQ… avant 5 jours de nav au près serré!

Le snorkeling dans la passe de Motu PuaPua restera un grand moment: corail d’une richesse et d’une variété rares, gros bancs de poissons en chasse (notamment gros banc de Lutjans rouges très curieux vis a vis des plongeurs) et…, au détour de la passe, face à face avec un requin tigre! La bête – d’au moins 4m de long! – est d’autant plus impressionnante qu’elle nage lentement et paraît d’un calme olympien. Captain Faka qui tenait la GoPro a tellement été sidéré qu’il en a oublié de le photographier!

Départ dès le lendemain pour le sud de l’atoll, le fameux mouillage mythique de Lotus. Comme pour toute navigation dans un atoll non cartographié, la vigilance est de mise. Les patates de corail peuvent surgir à tout moment sur votre chemin. Il est donc important de partir avec une très bonne visibilité. L’ancre est donc levée par un soleil radieux. Mais c’était sans compter sur un énorme grain (gros orage) qui en deux minutes de temps a fait s’envoler l’anémomètre et chuter brutalement la visibilité. Dans ce cas là, le beau lagon placide où les différentes couleurs – fonction de la profondeur d’eau – se détachent nettement, se transforme en une mer hachée de vagues d’un bleu acier qui efface tous les contrastes. Malheureusement le bateau, qui est lancé à la voile, est d’autant plus impossible à arrêter que l’accélération du vent sous le grain le propulse gaiement. A l’avant, Fakamoea serre les fesses…elle ne voit RIEN!! Elle le dit au Captain quand soudain un énorme CLAC retentit. La Grand Voile s’affesse d’un coup et le bateau ralentit « naturellement ». Le Captain imperturbable met la voile en ordre dans son sac et démarre les moteurs. Le grain de dissipe alors et – vision d’horreur! – une caille (patate de corail) à fleur d’eau est à 15 m de l’avant tribord du bateau!! Heureusement avec les moteurs, le bateau est manœuvrant. La caille est évitée !! Morale de l’histoire: la casse de la manille qui tenait la Grand voile en tête de mat nous a sauvé la mise. Plus de peur que de mal (la réparation est minime) mais une petite frayeur! A peine arrivés, déjà presque repartis. Décision est est, en effet, prise d’un complet changement de plans: au lieu du rian BBQ sur le motu pour déjeuner, ce sera retour d’où l’on vient pour partir vers les Gambier dès le soir même. La météo ne pardonne pas: si on part le lendemain, on en a pour 10h de plus… au moteur!! Mais les tour-de-mondistes sont flexibles: le BBQ aura bien lieu mais à 14h et proche de la passe!

Bien nous a pris de prendre des forces avant de partir. Les premieres 48h de nav furent très « sportives »! Navigation au près serré (l’allure maximum possible face au vent ), houle de travers et très rapprochée, et des grains! Mais que fait-on là?? Heureusement, c’est le week-end.. les joies du CNED ne viennent pas pimenter une navigation déjà bien salée! Les enfants – d’un calme olympien – jouent sans se soucier des creux et de la houle (à bon entendeur pour le lundi suivant!). Blague à part, ils nous ont bien épatés dès le retour au Cned. Au boulot sans sciller, ils n’ont rien lâché sur leur programme malgré les éléments…bravo les matelots !

Lever de soleil en nav… magique!

La machine tourne! Et il faut du ressort pour assurer le Cned après plusieurs nav de nuit… C’est donc à peut près frais et dispo que l’équipage arrivera au petit matin du 5eme jour aux Gambier. Des montagnes! Des sapins ? Des pins? Mais avant la vue c’est bien l’odeur qui est magique. Un parfum doux et sucré après les paquets de sel… Une douce odeur de terre-en-vue. Inoubliable!

Terrenvue !!

L’arrivée à Rikitea nous plonge dans un univers radicalement different. Les maisons sont cossues et clôturées (!), le 4×4 est LA voiture des Gambier par excellence (quand on voit les dénivelés on comprend!) et, ici, ce ne sont pas les navettes de plongeurs qui vous réveillent à l’aube mais les navettes des travailleurs des fermes perlières. Les fermes parsèment, en effet, tout l’archipel – et l’activité est palpable des 5h du matin.

Mangareva est l’île par excellence de la randonnée.

Vue depuis le Mokoto

Ses deux monts – Duff et Mokoto – culminent à environ 450 m chacun. Ça change des Toams! Les chaussures seront donc chaussées dès la première semaine et à chaque retour sur Rikitea, chef lieux de l’archipel. Les enfants seront extirpés (parfois sous la menace ;)) du bateau. Mais entre copains, la rando c’est beaucoup plus rigolo!…

La fine équipe au sommet du mont Duff

Niveau navigation et mouillages, les Gambier ont l’énorme avantage de la proximité: au maximum nous auront fait 2h de nav entre deux mouillages. Au niveau des bémols, il faut souvent slalomer entre les bouées des fermes perlières pour qu’elles ne se prennent dans le moteur. Pas forcément simple, surtout quand la bouée est sombre et légèrement sous l’eau. Le comble a été atteint entre Rikitea et Aukena car il fallait en plus éviter les patates de corail: un vrai slalom de descente olympique! Je vous laisse deviner l’état de Fakamoea à l’arrivée! Le mouillage valait toutes ces peines… la preuve par l’image!

Un petit coin de paradis

L’église Saint-Raphaël fut un passage obligé.

La bien-nommée

Bien joli bâtiment! Maintenant, si l’évangélisation des Gambier nous a laissé de magnifiques bâtiments – dont une cathédrale a Rikitea ! – elle a aussi contribué à décimer une population déjà affaiblie par les contacts avec les navigateurs au long cours.

En tout cas, la ferveur des Mangaréviens nous aura permis d’assister à une très belle fête en l’honneur de la prise de fonction du nouveau prêtre desservant l’archipel. Un mangarevien … une première ! Nous avons donc eu droit à un accueil à la « Mangarevienne » avec danses et dîner local. Maroi Nui! (Merci beaucoup en mangarevien).

Danses mangaréviennes devant la cathédrale de Rikitea

Les Gambier resteront aussi comme le paradis des enfants. Imaginez: 6gone, Lotus, Appel d’Air, Bulle et un petit nouveau Zingaya s’y sont donnés rendez-vous ! Pas moins de 15 enfants entre 3 et 13 ans ! Dès le Cned fini, c’est terrain jeu grandeur nature. Sans parler des soirées pyjama ou du mythique concours de meilleur pâtissier-enfant qui restera dans les annales! Un festival pour le goûter!

And the winner is ?? … les parents-gourmands!!

Les parents ne seront pas en reste: 12 à l’apéro, ambiance garantie… surtout quand les filles continuent leur « grand chelem gagnant » au Times Up!

Les gagnantes savourent leur victoire !

Mais bon, la saison des pluies ne serait pas digne de son nom sans un bon coup de vent. Les Gambier sont plutôt abrités mais pas complètement à l’abri des dépressions: 70km/h de vent établi pendant deux jours avec des rafales à 90 – 100km/h, ça décoiffe ! Captain Faka avait superbement préparé les choses: baume rabattue, voile ferlée, matelas d’extérieur et BBQ enlevés… sauf que pour paraphraser Sartre « L’enfer c’est les autres! ». Tous les bateaux des Gambier sont venus se mettre à l’abri dans le seul mouillage protégé de l’archipel et ça fait du monde!

Et il manquait encore des voiliers…

Une trentaine de voiliers ayant chacun lâché entre 70 et 80 m de chaîne, on vous laisse imaginer les tours de piste quand le vent a la bonne idée de ne pas souffler dans un seul sens (effets venturi et revolving à cause des montagnes autour). Pendant deux jours, nous étions sur une patinoire géante à la merci de très brutales accélérations du vent. La veille fut donc permanente, les para-batages sortis et même le radar allumé! Fakarêver a brillamment bravé les éléments et depuis hier soir le calme est enfin revenu. Pour le beau temps, il faudra encore patienter…

7 commentaires

  1. Comme toujours on savoure et même les odeurs sont imaginées avec votre description.
    J’ai transmis votre annonce à Philippe , résident à Papeete et copain de mes amis de Bordeaux : fin marin il organise des sorties en mer pour les touristes : il doit connaître du monde
    A suivre
    Gros Bisous

  2. Vous ne pouvez pas avoir combien nous sommes heureux de vous lire. Le mois de janvier a été long et vos commentaires nous réchauffe le cœur Sur la carte on voit que la météo n’est pas vraiment bonne. Espérons que les conditions s’améliorent pour vous permettre de remonter vers le nord. Tout va bien. Grosses bises à tous les 4

  3. Dis donc je me suis prise à deux reprises pour trouver ces îles Gambier en plein milieu de l’ocean. Je suis impressionnée par votre maîtrise de la navigation, bravo. Profitez en! Les enfants semblent avoir pris son rithme avec le CNED, ça dois décharger un peu les parents pour gérer cet environnement compliqué.

    Un gros bisous depuis la France, nous on commence à voir le soleil. Nuria

  4. Dommage pour la photo du tigre, mais ce devait être un moment sympa. Profitez bien de ces aventures magnifiques…
    Bises à tous.

  5. Il y’a une semaine déjà j’ai laissé un commentaire mais ça n’a pas marché……je suis toujours aussi peu doué.. Alors je récidive. Merci de votre reportage sur ces belles îles…des pins au lieu de cocotiers ça doit surprendre!!!! Bons vents pour revenir aux toams, d’ après 6Gones ce n’est pas évident .Grosses bises à tous les 4. Mamie et papy de Pau.

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